samedi 28 avril 2012

Le français au Bac Sections Scientifiques Module IV Guerre et Paix

MODULE IV                                                     GUERRE ET PAIX                                                              4ème ASc
Séance 1                                                                                                
ORAL


Débat : Quelques réflexions sur la Guerre et la Paix
+ Page 153

Objectifs spécifiques :
     1.     Engager un débat sur la guerre et la paix : définition ; quelques réflexions sur la guerre et la paix.   
     2.     Approfondir sa réflexion sur la guerre et la paix.


Supports :
 Ø  Définitions de la guerre et de la paix selon le dictionnaire, les philosophes et écrivains.
 Ø  Questions page 153.
 Ø  Ressources linguistiques page 153.  
Déroulement :  

Objectif 1




























































































































































Objectif 2
GUERRE : N. f. (Art milit. & Hist.) différend[1] entre des princes ou des états, qui se décide par la force ou par la voie des armes. C'est-là à-peu-près la définition de Grotius, qui dit que la GUERRE est l'état de ceux qui tâchent de vider leurs différends par la voie de la force. (L’Encyclopédie)

Quelques réflexions sur la GUERRE et la PAIX (Gaëtan Demulier Lycée Louis Bascan, Rambouill) :

Un simple regard sur l’histoire atteste à la fois la constante aspiration à la PAIX et le retour régulier des conflits. La PAIX ne serait qu’une illusion naïve fréquemment démentie par la réalité qui ne connaît que les rapports de force. Les GUERRES ne s’interrompraient que momentanément, pour laisser aux Etats le loisir de fourbir[2] les armes pour la suivante. Toutefois, comme le rappelle Aristote dans l’Ethique à Nicomaque : « personne ne choisit de faire la GUERRE pour la GUERRE, ni ne prépare délibérément une GUERRE». La PAIX resterait donc la fin que poursuit pratiquement la GUERRE.

ü Quelle est la signification de ces notions et la nature exacte des relations qu’elles entretiennent : s’opposent-elles radicalement ? La guerre est-elle le seul moyen de parvenir à la paix ou la paix suppose-t-elle l’abolition définitive de la guerre ?

Esquisses de définition
La GUERRE désigne une lutte entre deux partis ayant recours à la force physique et aux armes pour régler un différend.

Guerre et état de nature
La GUERRE résulte de la conjonction des deux passions qui mettent l’homme en mouvement : 1. le désir de puissance et de domination absolue, 2. la peur de la mort violente.

Opposition des passions, égalité des forces, défiance mutuelle et droit égal à se défendre par toutes les voies estimées valables dessinent l’espace sinistre dans lequel se meuvent les hommes en l’absence de l’Etat. Hobbes appelle cette situation effroyable d’inimitié généralisée où chacun se trouve seul à assurer sa sécurité « la guerre de tous contre tous ». En GUERE selon une formule extrêmement célèbre empruntée à Plaute[3] « l’homme est un loup à un autre homme ».

Le concept de GUERRE ne s’applique pas aux particuliers ou aux personnes privées : il ne renvoie pas à n’importe quel affrontement violent mais désigne la forme politique du conflit, celle qui oppose des Etats, des sociétés organisées. Comme l’écrit avec force Rousseau dans Du contrat social « la guerre n’est donc point une relation d’homme à homme, mais une relation d’Etat à Etat, dans laquelle les particuliers ne sont ennemis qu’accidentellement, non point comme hommes ni même comme citoyens, mais comme soldats ; non point comme membres de la patrie mais comme ses défenseurs ».

GUERRE et PAIX constituent deux modalités des rapports entre les nations : la GUERRE désigne la lutte contre des ennemis extérieurs, la PAIX l’entente entre les peuples.

GUERRE et politique
La GUERRE désigne donc une relation entre deux collectivités organisées, entre deux Etats. On appelle Etat une unité politique indépendante, inscrite dans un territoire aux frontières définies et dont les membres se regardent comme dotés d’une volonté commune, symbolisée par des lois et une Constitution. De la pluralité et de l’indépendance des Etats naissent des rapports de concurrence, des conflits d’intérêts qui les poussent à l’affrontement armé.

La GUERRE constituera alors le règlement d’un conflit entre deux Etats par la confrontation violente entre les membres de ces collectivités. On peut alléguer[4] une multitude de causes diverses pour expliquer la GUERRE :
·       nécessités démographiques, économiques, désir d’appropriation des ressources, antagonismes religieux et idéologiques ;
·       on peut même comme certains invoquer un instinct belliqueux[5] ou une pulsion de mort.

·       La GUERRE vise à préserver l’existence et l’indépendance de la communauté.

La PAIX à l’inverse consistera à entretenir des relations exemptes[6] (dépourvues) de toute violence avec les nations voisines.

Cela ne signifie pas qu’il n’y existera aucun antagonisme[7], mais qu’il sera réglé par des négociations, des discussions visant à dégager un compromis.

La PAIX se caractérise par la prédominance de la diplomatie, c’est-à-dire la recherche par la parole argumentée d’une solution appuyée sur la coopération volontaire.

La PAIX passe par des accords, des traités[8]. Un traité est un contrat par lequel plusieurs Etats s’engagent mutuellement à respecter leur indépendance et à surmonter leur antagonisme. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement la disparition de leur inimitié. Rien n’empêche qu’ils soient en désaccord sur la signification du traité, que l’un comme l’autre tente de modifier discrètement le rapport de forces.

De même, l’aspect versatile[9] de la puissance peut bouleverser la configuration internationale dans un sens que les parties ne pouvaient pas prévoir et rendre caduques[10] les clauses de l’accord. Surtout, le respect des traités ne repose que sur la volonté des contractants, volonté qu’ils peuvent modifier à leur guise. Aussi la GUERRE demeure-t-elle le moyen ultime de vider un différend politique, lorsque les voies de la discussion ont échoué.
Toutefois, on objectera alors que GUERRE et PAIX, par delà leur opposition apparente, se rejoignent dans le but poursuivi et ne diffèrent que par la méthode mise en œuvre. Dans les deux cas, il s’agit pour une communauté politique d’assurer sa conservation et son autonomie, le respect de sa puissance. La PAIX y concourra par le dialogue, la GUERRE par l’anéantissement et la destruction de l’Etat rival. C’est le sens des analyses conduites par Clausewitz[11] dans De la guerre. Il y définit la GUERRE comme « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté ». Aussi distingue-t-il le but et la fin de la GUERRE. Le but, c’est le résultat immédiat auquel la guerre veut aboutir ; sa fin, c’est l’objectif politique qui est visé à travers le but. Son but est par essence purement militaire : il consiste à désarmer l’ennemi. Sa fin est politique : elle consiste à rendre possible une situation politiquement plus avantageuse.

Aussi refuser absolument la GUERRE, c’est courir le risque d’être réduit en esclavage par ceux qui l’acceptent.
La volonté de PAIX, purement morale, reste impuissante devant le déchaînement de la force, lequel ne peut être arrêté que par une autre force.
C’est ce que résume la célèbre formule latine Si vis pacem para bellum : « Si tu veux la paix, prépare la guerre ». En ce sens, le pacifisme intégral et inconditionnel néglige que la PAIX POLITIQUE n’est pas un état de calme entier ni surtout une valeur absolue.
On objectera toutefois que la PAIX peut être maintenue sans que la GUERRE ne s’engage si un Etat manifeste aux puissances voisines sa capacité de défense. C’est la logique de ce que l’on nomme la dissuasion[12] : suggérer aux autres nations l’étendue de ses moyens militaires et la fermeté de sa résolution à en user en cas d’agression. Elle repose sur deux idées.
Premièrement, la menace demeure le moyen le plus approprié de tempérer les ambitions des autres Etats.
Deuxièmement, tout ce qui peut être interprété comme signe de faiblesse nourrit le désir d’appropriation ou de domination des puissances voisines.
En ce cas, la PAIX se comprendrait comme un certain équilibre entre les puissances dicté par un calcul d’intérêts.


Répondre aux questions page 153.
Y-a-t-il des guerres justes ?
Peut-on éviter la guerre ?
Lancer l’exposé : voir sujets page 174 :
Les conflits actuels dans le monde.
Les mouvements pacifistes.
L’art au service de la paix.
La prolifération des armes nucléaires.
Le commerce des armes et l’insécurité.

Pour se cultiver : consulter les sites suivants :

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Lexique

Armistice : n. m. 
 « arrêter », « intervalle de temps »  ¨ Convention conclue entre les belligérants afin de suspendre les hostilités. Þ trêve. Conclure, signer un armistice. Armistice qui suit un cessez-le-feu. Le plus souvent l'armistice précède la conclusion d'une paix définitive. « les partisans d'un armistice immédiat et sans conditions » (Duhamel). — (En France) L'Armistice : l'anniversaire de l'armistice de 1918, fêté le 11 novembre.
Belligérant, ante : adj. et n. 
1¨ Qui prend part à une guerre, en parlant d'un État. Puissances belligérantes.  
2¨ N. Dr. Personne qui prend part aux opérations de guerre dans l'armée régulière. Þ combattant. Belligérants et non-belligérants.  
Ä CONTR. Neutre.
Guérilla :  [geYija] n. f. 

2¨ Guerre de harcèlement, de coups de main, menée par des partisans, des groupes clandestins, pour une cause politique, religieuse, sociale, nationale. Guérilla sanglante, meurtrière. (harceler : Soumettre sans répit à de petites attaques réitérées)
Mutilé, ée : n. 

¨ Personne qui a subi une mutilation, généralement par fait de guerre ou par accident. Þ amputé. Mutilé de guerre. Þ blessé, infirme, invalide. Pension de mutilé à 100%. Les mutilés de la face. Þ gueule (cassée). Mutilé du travail, qui a été victime d'un accident du travail (infirme civil).
Offensive : n. f. 

1¨ Action d'attaquer l'ennemi, en prenant l'initiative des opérations. Þ attaque. Prendre, reprendre l'offensive. Passer à l'offensive. — Une offensive : attaque d'envergure, exécutée à l'échelon d'une grande unité. Préparer, déclencher une offensive. Offensive terrestre, aérienne.  
2¨ Attaque, campagne d'une certaine ampleur. Offensive diplomatique, publicitaire. « L'offensive qu'elle prenait plaisir à mener contre les jeunes générations » (Maurois). Fam. Une offensive de charme. — (Choses) Littér. La première offensive de l'hiver. « Le mistral a différé son offensive »  (Colette). —  Adv. OFFENSIVEMENT, 1718 
Ä CONTR. 1. Défense, défensive.
Trêve : n. f. 

 

« contrat, traité »   1¨ Cessation provisoire des combats, pendant une guerre, par convention des belligérants; interruption des hostilités. Þ cessez-le-feu. Demander, accepter, violer une trêve. « la véritable paix, la paix finale, elle est peut-être encore éloignée; mais une trêve est vraisemblablement assez proche » (Martin du Gard). — Féod. Trêve de Dieu : cessation des combats imposée par l'Église aux princes combattants (pendant l'Avent, le Carême et Pâques). 
à Par ext. Interruption dans une lutte quelconque. Trêve politique. — Loc. Trêve des confiseurs : arrêt de l'activité politique, diplomatique, pendant les fêtes de Noël, du nouvel an. 
   2¨ Fig. Arrêt de ce qui est pénible, dangereux. Þ relâche, répit. S'accorder une trêve. Þ pause. Faire trêve. Þ interrompre. Tous « faisant encore trêve à leurs haines, se promirent union et fraternité » (Michelet). La vie, « bataille sans trêve et sans merci » (R. Rolland). Sans repos ni trêve.  
à  Loc. adv. SANS TRÊVE :  sans arrêt, sans interruption. Þ continuellement. « Elle nous suivit sans trêve pendant plus d'une heure » (Loti).  
à Loc. prép. TRÊVE À (vx), TRÊVE DE (mod.) : assez de... « n'y songeons plus, et trêve aux rêvasseries! » (A. Daudet). Trêve de plaisanterie! parlons sérieusement. « Allez! Trêve de sous-entendus. Tu as encore fait une bêtise » (Anouilh).  
Ä CONTR. Continuité, occupation.

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Guerre froide
La guerre froide (anglais : Cold War, ) est la période de tensions et de confrontations idéologiques et politiques entre les deux superpuissances que furent les États-Unis et l’Union des républiques socialistes soviétiques(URSS) et leurs alliés entre 1947 et 1991, année de l'implosion de l'URSS et de la dissolution du Pacte de Varsovie.
C’est en 1945, sous la plume de l’écrivain anglais George Orwell, que l’expression « Cold War » apparaît pour la première fois1. Elle est reprise en 1947 par l'homme d’État américain Bernard Baruch2. Elle est vite popularisée par le journaliste Walter Lippmann3. D'après Raymond Aron, il s'agissait d'une « guerre limitée » ou « paix belliqueuse » dans un monde bipolaire où les belligérants évitaient l’affrontement direct4- d'où l'expression : « Paix impossible, guerre improbable ».
De nombreux conflits, depuis la guerre de Corée, la guerre du Viêt Nam jusqu’à la guerre d'Afghanistan, ont illustré l'opposition indirecte entre Soviétiques et Américains, avec la participation de leurs alliés respectifs. Les pays du tiers monde tels que l’Inde de Nehru, l’Égypte de Nasser et la Yougoslavie de Tito formèrent pour un temps le mouvement des non-alignés, proclamant leur neutralité et jouant sur la rivalité entre les blocs pour obtenir des concessions.



[1]  Différend : n. m.  ¨ Désaccord résultant d'une différence d'opinions, d'une opposition d'intérêts entre deux ou plusieurs personnes. Þ conflit, contestation, démêlé, désaccord, discussion, dispute, querelle. Avoir un différend avec qqn. Être en différend. Susciter, calmer un différend. Différend réglé à l'amiable par un compromis*, un accord*; porté devant un tribunal (Þ procès).
CONTR. Accommodement, accord, réconciliation.  HOM. Différent, différant (différer).
[2]  Fourbir : v. tr. « nettoyer »   ¨ Nettoyer (un objet de métal) de façon à le rendre brillant. Þ astiquer, nettoyer, polir. Absolt Ils « commençaient à fourbir; les cuivres, les ferrures, même les simples boucles, devaient briller clair comme des miroirs » (Loti). — Armes fourbies.  
à Fig. Fourbir ses armes : s'armer, se préparer à la guerre. Par ext. Se préparer au mieux à affronter un danger, une épreuve; préparer ses arguments.
[3] Plaute, en latin Titus Maccius Plautus, né vers 254 av. J.-C. à Sarsina dans l'antique Ombrie (maintenant située en Romagne) et mort en 184 av. J.-C à Rome, est un auteur comique latin.
[4]  Alléguer : v. tr. 2¨ (XVIIeMettre en avant, invoquer (Faire appel, avoir recours à), pour se justifier, s'excuser. Þ exciper (de), objecter, prétexter. « Alléguant quelque excuse de santé » ( Hugo). — Avec que et l'indic., le condit. « alléguant [¼] que la liberté excessive se détruit enfin elle-même » (Bossuet).
[5]  Belliqueux, euse : adj.  1¨ Qui aime la guerre. Þ guerrier. Peuple belliqueux. — Qui excite à la guerre. Propos belliqueux. Proclamation belliqueuse.  
2¨ Fig. Qui aime, cherche le combat, la dispute. Þ agressif*, batailleur, querelleur. Humeur belliqueuse.  
Ä CONTR. Pacifique, pacifiste. Paisible.
[6]  Exempt, empte : adj. et n. m.  Adj. EXEMPT DE (qqch.).  Qui n'est pas sujet à (un défaut, une tendance). Þ dépourvu.— (Choses) Þ sans. Vie exempte de soucis. Calcul exempt d'erreurs.
[7]  Antagonisme : n. m.  Cour. État d'opposition de deux forces, de deux principes. Þ conflit , opposition, rivalité. Antagonisme entre deux partis. Un antagonisme d'intérêts.  « il n'y a pas d'antagonismes qui ne puissent être résolus par des arrangements diplomatiques » (Martin du Gard).  
ÄCONTR. Accord , concordance, harmonie.
[8] Traité : n. m.  1¨ Dr. Vieilli Convention entre des particuliers, ou entre un particulier et une autorité. Þ contrat.  3¨  (fin XIVeActe juridique par lequel des gouvernements d'États compétents établissent des règles ou des décisions. Þ accord, engagement, entente , pacte, protocole. Traité d'alliance. Traité de paix. Þ paix. Traité de commerce. Conditions, clauses, articles, stipulations d'un traité. Négocier, conclure, signer, ratifier un traité. Le respect des traités. Le traité de Versailles (1919). Le traité de Rome (1957), instituant la C. E. E. Traité de Maastricht, de l'Union européenne (7 février 1992).
[9]  Versatile : adj. Sujet à changer facilement d'opinion; exposé à des revirements soudains. Þ changeant, inconstant, lunatique. Un esprit, un caractère versatile.
Ä CONTR. Entêté, obstiné, opiniâtre, persévérant.
[10]  Caduc, uque : adj.  2¨ Mod. Qui n'a plus cours. Þ démodé, dépassé, obsolète, périmé, vieux . « Ce qui était bon hier est périmé et caduc aujourd'hui » (Chateaubriand). — Dr. Acte juridique caduc. Þ annulé, nul. Legs caduc, annulé par la mort du légataire. Loi caduque, tombée en désuétude ou remplacée par une nouvelle loi.  3¨ Qui est destiné à tomber, à se détacher annuellement ou après avoir rempli sa fonction. Þ décidu.  
Ä CONTR. Jeune, 2. neuf, 1. vivace.
[11] Karl Philip Gottfried (ou Gottlieb) von Clausewitz (1er juin 1780 à Magdebourg -16 novembre 1831 à Breslau) est un officier et théoricien militaire prussien. Il est l'auteur d'un traité majeur de stratégie militaire : De la guerre. (la Prusse était un territoire allemand de l'Est de l'Europe)
[12]  Dissuasion : n. f.  ¨ Action de dissuader; son résultat.  à (1962)  FORCE DE DISSUASION, destinée non à attaquer, mais à dissuader l'adversaire d'attaquer. Dissuader : Dissuader qqn de... : amener (qqn) à renoncer à un projet, à renoncer à faire qqch. Þ détourner; décourager




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MODULE IV                                                     GUERRE ET PAIX                                                              4ème ASc
Séance 2                                                                                                                                                                                                            
LECTURE
Article  « Paix »
Etienne Noël Damilaville 
(Encyclopédie),  Page 180






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L'article " Paix " renvoie à l'article " Guerre " et lui l'ait écho dans une même dénonciation de la violence et des caprices des conquérants. Sous le prétexte de parler de la paix. Damilaville souligne à quel point la guerre apparaît comme une entreprise contre la nature et contre la raison. Elle est condamnée parce qu'elle s'oppose aux intérêts des citoyens et au bonheur de l'homme.

            La guerre est un fruit de la dépravation[1] des hommes ; c'est une maladie convulsive[2] et  violente  du corps politique ; il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix ; c'est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle maintient l'ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la population, l'agriculture et le commerce ; en un mot, elle procure au peuple le bonheur qui est le but de toute société. La guerre,  au contraire,  dépeuple les États ; elle y fait régner  le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit ; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.
            Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l'empire qui lui est dû, on ne les verrait point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre ; ils ne marqueraient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiraient point toutes les occasions de troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfants, ils ne regarderaient point avec envie ceux qu'elle a accordés à d'autres peuples ; les souverains sentiraient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets ne valent jamais le prix qu'elles ont coûté. Mais, par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque perpétuellement occupées à repousser les entreprises injustes des autres ou à en former elles- mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main. Et l'on croirait qu'elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l'industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs États; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu'à grossir le nombre des hommes qu'ils rendent malheureux. Ces passions, allumées ou entretenues par des ministres ambitieux ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu, dans tous les âges, les effets les plus funestes pour l'humanité. L'histoire ne nous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes et cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L'épuisement seul semble forcer les princes à la paix ; ils s'aperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s'est mêlé à celui de l'ennemi ; ce carnage[3] inutile n'a servi qu'à cimenter l'édifice chimérique de la gloire du conquérant et de ses guerriers turbulents ; le bonheur de ses peuples est la première victime qui est immolée[4] à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans[5].
Damilaville, Encyclopédie, article " Paix ".
Étienne Noël Damilaville, né à Bordeaux le 21 novembre 1723 et mort le 13 décembre 1768, était un homme de lettres français, ami de Voltaire et de Diderot. 

Lecture méthodique

PRÉSENTATION DU TEXTE
La réflexion sur la guerre constitue un thème récurrent de la pensée philosophique du XVIII e siècle. Montesquieu (Lettres persanes, " Apologue des Troglodytes "), Voltaire (Micromegas, Candide, Dictionnaire philosophique), Jaucourt (article " Guerre " de l'Encyclopédie en ont déjà dénoncé les méfaits. Damilaville, à son tour, reprend l'analyse dans l'article " Paix ", montrant par ce choix à quel point les deux notions ne peuvent se définir que l'une par rapport à l'autre.
Ce qu'ils dénoncent est l'arbitraire, l'horreur, les dévastations causées par la guerre, la manière dont sont bafoués les droits les plus élémentaires des populations civiles. Mais, comme bien souvent, leur critique va plus loin et vise directement ceux qui décident les guerres : les princes. Leurs passions, leurs ambitions, leur manque de raison, le souci constant de leurs intérêts personnels au détriment du bonheur de leurs peuples sont sévèrement stigmatisés par les philosophes qui font ainsi la critique du pouvoir politique.
L'extrait de l'article " Paix " donné ici est surtout consacré à la guerre. Chacun des deux paragraphes est construit sur un double jeu d'oppositions : opposition guerre/paix dans le premier, à partir d'une métaphore qui fait de la guerre une maladie et de la paix un état d'équilibre et de bonne santé, opposition hypothèse/réalité dans le second. Dans les deux cas, sont longuement étudiées les conséquences catastrophiques de la guerre sur les pays engagés dans des conflits. La dénonciation de la guerre s'inscrit dans une réflexion générale sur la politique mise au service du bonheur des nations et des individus.
STRUCTURE DU TEXTE
La division de l'extrait en deux paragraphes correspond à une double approche des problèmes posés par l'absence de paix, c'est-à-dire par l'état de guerre (ce terme est d'ailleurs le premier du premier paragraphe).
Premier paragraphe
Ouverture sur une sorte de définition de la guerre et développement de l'état de paix en une métaphore filée tout au long du paragraphe (guerre = " maladie ", paix = santé). Une articulation centrale (" la guerre, au contraire ", l. 5) fait apparaître, sous forme contradictoire, les images désastreuses de la guerre. Le paragraphe entier est construit à partir des deux notions antithétiques, l'une fortement valorisée, l'autre nettement dénoncée.
Deuxième paragraphe
Il évolue lui aussi en deux étapes. La première (l. 11-17) est entièrement construite sur une hypothèse (emploi récurrent de " si " et du conditionnel) qui souligne un irréel du présent. L'auteur envisage une situation utopique dans laquelle les hommes seraient raisonnables. La deuxième étape, qui commence avec l'expression d'une opposition (" mais ", l. 17), est une analyse de la conduite réelle des princes. Cette conduite est envisagée non pas de manière historiquement contemporaine, mais dans le déroulement de l'Histoire.
ÉTUDE DU PREMIER PARAGRAPHE : LA MÉTAPHORE DE LA MALADIE, L'OPPOSITION GUERRE/PAIX
La métaphore de la maladie
Dès le début du texte la guerre est présentée sous une forme métaphorique (" c'est une maladie ", l. 1) reprise et complétée au cours du paragraphe à travers tout un champ lexical de la maladie. L'image est favorisée par l'assimilation de la nation à un " corps politique ". Le choix du terme " corps " légitime l'utilisation du vocabulaire médical. On peut en effet récapituler les termes suivants : " santé " (l. 2), " vigueur " (l. 3), " membres " (l. 9), " plaies " et " guérir " (l. 10). La guerre est ainsi présentée comme un état de trouble, de perturbation, d'anormalité destructrice, pouvant, comme la maladie, conduire à la mort. Certaines caractérisations, comme " convulsive " et " violente " (l. 1) s'inscrivent dans le même registre en soulignant le caractère incontrôlable et peut-être imprévisible de la maladie. On voit apparaître à travers cette formulation l'idée, chère à Rousseau, qu'il s'agit, dans la violence et la destruction, d'une détérioration de la nature humaine, non portée originellement à détruire.
L'opposition guerre/paix
Damilaville oppose un état anormal et maladif à un état naturel et utile, efficace. D'un côté, il situe la destruction, le désordre, la détérioration, de l'autre, la prospérité dans tous les domaines. La reprise de certains termes renforce la double idée de parallélisme et d'opposition entre les deux notions et les situations qu'engendrent respectivement la guerre et la paix. On peut représenter le jeu des oppositions dans le tableau suivant :
Paix
Guerre
" santé "
" maladie convulsive et violente "
" état naturel "
" dépravation "
" vigueur "

" ordre " social
" désordre ", " licence "
force des lois
" lois... forcées de se taire "
développement de la population
" dépeuple les États "
développement de l'agriculture
" les terres deviennent incultes et abandonnées "
développement du commerce
" fait négliger le commerce "
" elle procure... le bonheur "
" elle rend incertaines la liberté et la propriété "

On voit ainsi apparaître d'un côté tous les aspects positifs, constructifs et louables de la paix : développement économique, liberté et bonheur et de l'autre tous les aspects destructifs et néfastes de la guerre, ruine, désordre social, privation de liberté ou liberté effrénée[6], désastre économique. La conclusion du paragraphe rappelle que les éventuels succès guerriers n'offrent jamais de compensation assez grande pour justifier les horreurs commises. Là encore, des termes antithétiques soulignent l'absence totale d'équilibre entre ce qu'apporte la guerre et ce qu'elle fait disparaître : " triomphes les plus éclatants " / " perte d'une multitude de ses membres " ; " victoires " / " plaies profondes " (l. 8→10).
La négation catégorique qui sépare les éléments opposés marque leur caractère irréductible : il y a incompatibilité entière, totale et irréversible entre eux d'après Damilaville. C'est d'ailleurs ce que  souligne aussi l'opposition entre les champs lexicaux auxquels appartiennent ces termes (succès d'un côté, souffrance et destruction de l'autre).
ÉTUDE DU DEUXIÈME PARAGRAPHE : ANALYSE DU COMPORTEMENT DES PRINCES
Une situation hypothétique
Dès le début du deuxième paragraphe, Damilaville suppose une situation caractérisée par la domination de la raison (" si la raison gouvernait les hommes ", l. 11) et en envisage les conséquences sur le plan de la guerre et de la paix. La série de verbes au conditionnel qui suivent l'énoncé de l'hypothèse énumère, de manière négative, des actes destructifs qui sont précisément ceux auxquels se livrent les " chefs des nations " (l. 11). Le choix de formulations négatives (" ils ne marqueraient point cet acharnement... ", l. 12-13) permet à l'auteur d'évoquer de manière très efficace, très " parlante " parce que faciles à se représenter et très évocatrices, des attitudes guerrières. La dénonciation est plus efficace que si les formulations avaient été affirmatives.
Les images évoquées sont en effet très représentatives de l'état de violence qui transforme les êtres humains en êtres inhumains : comparaison avec les " bêtes féroces " (l. 13), avidité de se battre (" ils ne saisiraient point... ", l. 14), allusion à la folie sanguinaire (" fureurs de la guerre ", l. 12).
Parallèlement, parce que le point de départ de l'article est le mot " Guerre ", Damilaville fait constamment allusion aux bienfaits de l'état opposé par l'utilisation d'un champ lexical de la tranquillité : " tranquillité " (l. 13), " bonheur " et " satisfaits " (l. 14). On voit, là encore, se mettre en place un jeu d'oppositions entre la violence (" fureurs ", l. 12; " acharnement ", l. 13 ; " envie ", l. 15) et la réflexion née de la raison (" attentifs ", l. 13 ; " les souverains sentiraient... ", l. 16).
La réalité
Le conditionnel traduit une situation d'irréel du présent (action non réalisée), renforcée par l'opposition de la ligne 17 (" Mais "). L'utilisation du " Mais " souligne un retour à une réalité différente, celle de princes non gouvernés par la raison. On trouve donc dans cette deuxième partie de paragraphe, de manière affirmative et à l'indicatif, ce qui était exprimé au conditionnel et de manière négative dans la première. Damilaville s'intéresse d'abord aux nations, puis aux princes.
Le comportement des nations : il est violemment dénoncé à travers l'expression d'une attitude irréfléchie, irresponsable et négative. L'emploi du présent généralise l'observation, ce qui est accentué par l'emploi de l'adverbe " perpétuellement " (l. 18). Le verbe pronominal " se priver " (l. 20) met en relief un comportement de refus de confiance et de quasi autodestruction.
Les princes : Damilaville met en relief une attitude intéressée, dictée par une soumission aux passions et aux ambitions. Les termes " passions aveugles " (l. 21, repris à la ligne 23), " étendre les bornes " (l. 21), nettement dépréciatifs, insistent sur l'absence de raison (voir l'importance du mot à la ligne 11) et sur le manque d'intérêt pour le bonheur des sujets (" peu occupés du bien de leurs sujets ", l. 22). La guerre est présentée ici comme le moyen utilisé par les princes pour satisfaire des caprices territoriaux personnels (" étendre les bornes de leurs États ", l. 21-22). Il faut ajouter à cette attitude déraisonnable et peu digne des " princes " la responsabilité de l'entourage (" ministres ambitieux ", " guerriers ", l. 24).
La dernière partie de l'extrait est consacrée à une observation critique de l'Histoire dans son déroulement : multiplicité des guerres et refus de la paix. Damilaville trouve des accents lyriques et éloquents pour stigmatiser (blâmer, condamner, dénoncer) des comportements répétitifs qui ne conduisent, pour des rêves de gloire, qu'au malheur des peuples. Il met ainsi en relief l'idée que pour les princes la paix n'est apparemment pas un état naturel tandis que la guerre se révèle comme l'expression d'une passion conduisant à la réalisation des plus grandes ambitions personnelles. Le côté imagé du langage et des formulations (" champs dévastés ", " villes réduites en cendres ", " carnage inutile ", " édifice chimérique ", " guerriers turbulents ", " victime ", " sang ") sont de nature à frapper l'imagination, à susciter l'indignation. Les formules frappantes et réductrices font apparaître responsables et victimes en une sorte de face à face dramatisé qui souligne l'irresponsabilité ambitieuse et puérile des uns et l'horreur du malheur des autres.
CONCLUSION
L'efficacité dénonciatrice et polémique du texte vient de la constante opposition entre les résultats dévastateurs de la guerre et les effets bénéfiques et constructifs de la paix. Les deux tableaux alternés ou mêlés font apparaître chacun des deux états selon un rapprochement tantôt valorisant tantôt dénonciateur. La critique virulente (violente) des princes dans le déclenchement des guerres s'inscrit dans le projet général du siècle philosophe, qui est de combattre toutes les formes d'arbitraire et de mettre en relief les vertus d'un bon prince. On comprend alors l'importance des allusions à la raison, l'insistance sur la responsabilité de ceux qui dirigent et l'image de la guerre présentée comme une déviation de la nature humaine. Ce sont beaucoup plus les princes que les hommes qui sont ici visés.

Article : 
LA GUERRE
GUERRE, c'est un différend entre des souverains, qu'on vide par la voie des armes.
Elle a régné dans tous les siècles sur les plus légers fondements ; on l'a toujours vue désoler l'univers, épuiser les familles d'héritiers, remplir les Etats de veuves et d'orphelins ; malheurs déplorables, mais ordinaires ! De tout temps les hommes, par ambition, par avarice, par jalousie, par méchanceté, sont venus à se dépouiller, se brûler, s'égorger les uns les autres. Pour le faire plus ingénieusement, ils ont inventé des règles et des principes qu'on appelle l'art militaire, et ont attaché à la pratique de ces règles l'honneur, la noblesse et la gloire. [...]
Les lois militaires de l'Europe n'autorisent point à ôter la vie de propos délibéré aux prisonniers de guerre, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui se rendent, moins encore aux vieillards, aux femmes, aux enfants, et en général à aucun de ceux qui ne sont ni d'un âge, ni d'une profession à porter les armes, et qui n'ont d'autre part à la guerre que de se trouver dans le pays ou dans le parti ennemi.
(…) La guerre étouffe la voix de la nature, de la justice, de la religion et de l'humanité. Elle n'enfante que des brigandages[7] et des crimes ; avec elles marchent l'effroi, la famine et la désolation ; elle déchire l'âme des mères, des épouses et des enfants ; elle ravage les campagnes, dépeuple les provinces et réduit les villes en poudre. Elle épouse les États florissants au milieu des plus grands succès ; elle expose les vainqueurs aux tragiques revers de la fortune : elle déprave les mœurs de toutes les nations et fait encore plus de misérables qu'elle n'en emporte. Voilà les fruits de la guerre. "


[1]  Dépravation : n. f.  1¨ Littér. Attitude dénuée de sens moral et de sensibilité morale. État d'une personne dépravée, de ce qui est dépravé. Dépravation des mœurs : abaissement de la moralité. 2¨ Vieilli Déviation contraire à la nature, à la norme sociale. Þ altération, corruption.
Dépraver : v.tr. Amener (qqn) à désirer le mal, à s'y complaire. Þ corrompre, pervertir.— littér. Rendre (une habitude, une pratique, une coutume) moralement mauvaise.
[2] Convulsif, ive : adj.  Qui a le caractère mécanique, involontaire et violent des convulsions (troubles soudains). Agitation convulsive. Effort, geste, mouvement convulsif. Rire convulsif. Sanglots convulsifs. — Adv. CONVULSIVEMENT.
[3] Carnage : n. m.  Action de tuer des personnes ou certains animaux en grand nombre; massacre sanglant. Þ boucherie, tuerie.— Fam. Þ destruction, dévastation.
[4] Immoler à (qqch.) : v.tr. Faire périr pour satisfaire (tel sentiment), parvenir à (telle fin). Il a immolé des milliers d'hommes à son ambition.
[5] Courtisan : Fig. Personne qui cherche à plaire aux puissants, aux gens influents par des manières obséquieuses, flatteuses. Þ flatteur ; louangeur
[6] Effréné, ée : adj.  Qui est sans retenue, sans mesure. Þ débridé, déchaîné, démesuré, excessif, immodéré. « Je deviens fou de désirs effrénés » (Flaubert). « Un démagogue effréné » (Rousseau). Une course effrénée.  
Ä  CONTR. Modéré, sage.
[7] Brigandage : n. m.  ¨ Vol commis avec violence et à main armée par des malfaiteurs généralement en bande. Þ pillage, 2. vol. Actes de brigandage en territoire occupé.

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